Culture 8 février 2022 par telemartin.tv
Des danseuses virevoltant dans des robes chatoyantes, des bras, des mains dessinant des arabesques, un savant jeu de jambes, une musique enivrante… Le flamenco a cette capacité bien à lui d’exercer sur nous une fascination. Trésor de l’Andalousie et fierté de l’Espagne, il constitue à la fois une danse, avec ses passes et ses codes, et un genre musical, aux origines ancestrales. Mais que savons-nous réellement du flamenco ?
A l’origine de cette musique sur laquelle s’exécute la danse du même nom, il y a ce mot d’origine germanique signifiant « flamboyant, ardent », sans doute introduit en Espagne par les Wisigoths. Il y a, aussi, l’histoire des peuples et des grandes migrations qui façonnèrent l’Europe au début du Moyen-Âge. Selon la mythologie populaire, ce sont les gitans, peuple venu des confins de l’Inde, qui ont posé les bases de la musique (le cante flamenco) et de la danse flamenco (ou baile flamenco). Mais l’Andalousie, la basse-Andalousie plus précisément, terre des mélanges culturels par excellence, ne nous laisse pas dire qui des gitans, des juifs, des arabes, des chrétiens, a le plus contribué à la forme moderne du flamenco. Lentement, cette musique et cette danse caractéristique du folklore andalou vont mûrir, s’unifier et imprimer leur marque jusqu’au XVIIIe siècle, où elles atteindront la forme que nous connaissons aujourd’hui.
La musique, d’abord. Elle est née dans le triangle d’or constituée par Séville, Cadix et Huelva. Constituée des influences citées plus haut, elle se déploie en styles dont la diversité fait la richesse. Relevons les principaux. Il y a les tonás : ce sont les chants les plus anciens. Sobres, rugueux parfois, ils expriment la dureté des temps quotidiens. La seguiriya, quant à elle, est une plainte. Elle peut avoir pour thème l’amour, la mort, le manque, la souffrance. Majestueux, harmonieux sont les soleares, dont l’étymologie renvoie à la solennité. Festives et heureuses, les bulerías sont des palos rapides et animés. Le chant, donc, fait toute l’âme du flamenco, mais ne négligeons pas la guitare flamenca (ou guitarra blanca, ou encore el toque flamenco), au son plus volumineux que la guitare classique, l’instrument de musique de référence. Lors des falsetas, séquences rythmiques virtuoses, le guitariste montre tout son talent. Quant aux percussions, les premières sont les mains ! Les palmas désignent les frappes de mains ; les pitos, les claquements de doigts. Il est aussi possible de frapper du poing, sur n’importe quelle surface. N’oublions pas les castagnettes ! Deux coquilles creuses, l’une mâle, au son plus grave, l’autre femelle, à la tonalité plus haute, et attachées par un fil que l’on manipule en entrechoquant leurs deux coques. Plus exotique mais non moins utilisé, le cajón, ou la caisse, originaire du Pérou, que l’on vient aussi frapper.
Si la musique est l’âme du flamenco, la danse flamenca lui donne corps, telle une flamme s’élançant, croissant sur la musique et le chant. Le baile flamenco est une danse individuelle. Les pieds, percutant le sol dans un cycle rythmé, comptent quasiment au nombre des instruments de musique. Leur tâche est appelée le zapateado. Le corps, lui, s’élève vers le ciel, dans une gestique appelée braceo. Bras et doigts décrivent des arabesques. Si les traditions et les étapes du spectacle doivent toujours être respectées, la danse contient une grande part d’improvisation. Les danseurs sont appelés bailador (l’homme) et bailadora (la femme). Dans la diversité foisonnante des flamencos, on trouve certaines danses, même, non mixtes. Parmi les grands artistes de flamenco, citons les danseuses Cristina Hoyos, Eva la Yerbabuena, Hiniesta Cortes ou encore Pastora Galvan. Sans oublier les guitaristes, dont Paco de Lucia et José Luis Rodriguez. Chanteurs et chanteuses se sont également illustrés dans l’histoire du flamenco. Rafael de Utrera, Melchora Ortega et David Lagos, pour ne citer qu’eux…
Cri du peuple, cri des pauvres, le flamenco a parcouru les siècles pour conquérir sa notoriété et diffuser sa noblesse, jusqu’à être codifié, respecté et honoré. Malgré ses bases immuables, le flamenco n’a, lui, jamais cessé d’évoluer. Dans les années 1970, on a vu naître la Fusión Flamenca, un style musical influencé par l’Europe et les États-Unis. La chanteuse Rocio Jurado a, quant à elle, osé remplacée la bata de cola (robe traditionnelle du flamenco) par une robe de soirée, sur scène. Les années 1980 ont vu naître le « nouveau flamenco », avec des artistes comme El Cigala ou José Mercé, à la limite de la variété. Le flamenco concerne aujourd’hui toute l’Espagne. Il est évidemment au programme du festival de Grenade, mais on le retrouve aussi à Madrid (Festival Flamenco Caja Madrid) et même à Barcelone (festival de Cajon). Au sein du ministère de la Culture de la Junta de Andalucía existe aujourd’hui une Agence Andalouse pour le Développement du Flamenco. Mais le flamenco n’a pas de frontière : on peut le pratiquer presque partout ! En France, cours et académie de flamenco fleurissent et permettent à ce patrimoine immémorial de vivre et voyager.